
J’AI PLEURÉ
Ce soir, je recevais mon ex-mari à souper avec grand plaisir. Mon intention de mettre de la musique de Noël pendant que je préparais le repas en solitaire me semblait bonne, mais cela n’a pas été le cas.
Des souvenirs tellement malheureux sont remontés à la surface. En réflexion sur le sujet, je me suis mise à pleurer du plus profond de mon âme. On ne peut oublier certaines images, certains souvenirs.
Il y a une cinquantaine d’années, autonome, en visite chez ma mère à Trois-Rivières alors que j’habitais en Abitibi, je désirais souligner le temps des Fêtes en famille. Ma mère était pauvre mais habitait près d’un quartier réputé riche de cette ville où je suis née.
Le soir de Noël, maman ne filait pas bien et j’ai été la seule à me rendre à la messe de minuit. Dans le quartier de l’église où je suis allée, les résidents fortunés comprenaient des notaires, avocats, médecins, des retraités à l’aise, des bijoutiers, etc… Ils sont arrivés avec des manteaux de fourrure, une senteur de parfums renommés et des chapeaux originaux.
Un banc était vide mais occupé par une seule personne : un homme aux cheveux blancs, bien habillé, qui semblait perdu dans ses pensées. Je me suis installée au bord, lui était au fond.
Au bout de quinze minutes, il s’est avancé vers moi pour me dire qu’il avait payé ce banc et que je devais le quitter, ce que j’ai fait, bien entendu, avec le respect que vous me connaissez.
Lorsque la messe a débuté, l’église était à moitié vide en ce qui a trait aux bancs mais il y avait tellement de pauvres gens debout, derrière, qu’on ne pouvait rien voir. J’ai décidé d’écouter la messe l’autre côté des portes fermées, car on se pilait sur les pieds en arrière. La chorale était excellente et chantait fort. Je revois une mère de famille qui serrait son enfant contre elle en pleurant… « Minuit chrétien, c’est l’heure solennelle… »et les gens pleuraient en arrière, y compris moi. Ces personnes qui n’avaient pas leur place dans ce lieu religieux… Ces pauvres rejetés par certains riches…
Aujourd’hui, j’entends cette musique et, pour mon malheur, je pense à ma mère, je pense à cette femme inconnue qui pleurait, je pense à ces riches qui ne connaissaient pas la misère. Aujourd’hui, je pleure encore en entendant les chants de la chorale d’antan. Il y en a trop qui crèvent de faim et peu qui veulent les aider… Ça recommence.
Dr H.C. Louise Hudon, poétesse du Canada
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21 décembre 2023
I CRIED
This evening, I was delighted to have my ex-husband over for dinner. It seemed like a good idea to put on some Christmas music while I prepared the meal alone, but it didn’t work out that way.
Such unhappy memories surfaced. Reflecting on the subject, I began to weep from the depths of my soul. Such images, such memories, cannot be forgotten.
Some fifty years ago, I was visiting my mother in Trois-Rivières on my own, while living in Abitibi, to celebrate the holiday season with my family. My mother was poor, but lived close to the wealthy part of the city where I was born.
On Christmas Eve, Mom wasn’t doing so well, and I was the only one to make it to midnight mass. In the area around the church I went, the wealthy residents included notaries, lawyers, doctors, comfortable retirees, jewelers, etc… They arrived wearing fur coats, the scent of renowned perfumes and original hats.
One bench was empty but occupied by just one person: a white-haired, well-dressed man who seemed lost in thought. I sat at the edge, he at the back.
After fifteen minutes, he came up to me and told me that he had paid for the bench and that I should leave, which I did, of course, with the respect you know me to be shown.
When mass started, the church was half empty as far as pews were concerned, but there were so many poor people standing in the back that you couldn’t see a thing. I decided to listen to mass on the other side of the closed doors, as we were pounding on our feet at the back. The choir was excellent and sang loudly. I remember a mother holding her child close to her and crying… ». Christian midnight, it’s the solemn hour… « and people were crying in the back, including me. These people who had no place in this religious place… These poor people rejected by some rich people…
Today, I hear that music and, to my misfortune, I think of my mother, I think of that unknown woman who was crying, I think of those rich people who didn’t know misery. Today, I still cry when I hear the songs of the choir of yesteryear. There are too many starving and too few who want to help… Here we go again.
Dr. H.C. Louise Hudon, Canadian poetess
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december 21, 2023
